GRAMINEE ERAGROSTIS 2 Version 3

Pour fêter le second anniversaire de la grainothèque, nos écrivants se sont amusés à parsemer leurs textes de graines… de la semeuse aux jeux de mots, du voyage d’une graine à l’exploration poétique d’une autre… Voici quelques pousses bien fraîches à déguster !

Elle délivre un précieux breuvage
Apprécié par tous les âges !!
Si tu étais humaine,
Je serais ta marraine
Main dans la main
Jusqu’au petit matin
Nous chercherions un petit lopin de terre
Pour nous y enfouir, et sous une pierre
Nous donnerions naissance à une branche de verveine
Qui serait à nouveau la reine
D’une main incertaine
Qui cueillerait la feuille infusante
Qui avec de l’eau bouillonnante
Aide à passer une nuit apaisante.

Le voyage d’une graine
La graine de l’amour, c’est ma graine à moi, mon phare, ma boussole, celle dont on a besoin tout au long d’une vie. Pourquoi me diriez-vous ? Parce que la vie est longue, il faut semer jour après jour autour de soi, pour bien pousser soi-même d’abord, et puis ensuite pour aider les autres à pousser aussi droit que possible. Je suis tout d’abord issue d’une graine de l’amour, par un beau matin d’automne, j’ai vu le jour. Mes parents m’ont donné de l’amour, j’ai pris tout ce qui était bon à prendre, j’ai laissé de côté la mauvaise graine, les mauvais jours, les peines et les blessures… Et puis moi aussi j’ai rêvé transmettre la graine de l’amour, je me suis bien appliquée, j’y ai mis tout mon amour, et j’ai enfanté de 2 belles petites graines ! Elles sont mes plus belles graines car elles ont les yeux en amande de leur géniteur ! Elles sont mes plus graines car elles me ressemblent, bien sûr !! Je leur dis souvent que les jolies graines ne sont pas les plus à envier, car ce qui compte c’est l’intérieur de la graine, son contenu plus que son contenant. Alors mes graines à moi, elles m’ont écoutée, leur intérieur est bon, bon comme le bon pain, et j’en suis fière ! Extérieurement, c’est bien l’amour qui est visible, la générosité du cœur, vous voyez, la générosité issue de la bonne graine vient bien du cœur de la graine ! Il y a tout intérêt à souffler l’amour sur une graine en germination, car l’amour est un peu contagieux, et c’est tant mieux.
Petite graine d’amour, quelles que soient ta couleur, ta forme, ton apparence, ton pays d’origine… si tu crois en l’amour, tu seras à ton tour graine d’amour ! Ton dernier jour viendra, certes mais ta plus grande satisfaction lorsque tu redeviendras poussière sera d’avoir enfanté l’amour.
Et la graine de l’amitié, quel est son parcours, quelles sont ses origines, quelle est sa finalité, sa fin ?
Ça, c’est une autre histoire mes amis !

Fanny

 

Ca y est, j’ai la migraine ! j’ai visité la graineterie du beau grainetier, quelle grainothèque fantastique ! Nous avons égrainé les casiers de graines… il est disert mais indigeste, j’en ai quand même pris de la graine ! Et j’en ai pris, de la graine donc, au sens plus littéral du terme. Mon égrainoir est plein, mon égraineuse va être remplie tout le printemps, je vais être experte en égrainement et l’égrainage n’aura plus de secret pour moi. Le beau grainetier ne m’a pas lâché la graine, petit à petit, c’est monté en graine, il m’a invitée à aller casser la graine, on en est arrivés à parler de s’échanger nos prégraines… et ça y est, j’ai la migraine !

L’apothicaire t’a donné
Le nom de cardiospermum
Pour soigner les gratouillis
Certainement tu plairais
A cet étrange Docteur Knock.

Le botaniste lui préfère
Te nomme le physalis
Caché au fond d’un calice
Tu te moques des prédateurs
Et t’apprête à te semer.

Et moi c’est dans mon assiette
Accompagné d’un dessert
De ta douce acidité
Tu relèves le trop sucré.
Tu es mon amour-en-cage !

Ce matin un bourdon, de fleurs en fleurs, est passé
Ce matin le pollen, de fleurs en fleurs s’est échangé
Ce matin le jaune de chaque fleur sous le soleil a brillé
Ce matin les pétales n’ont plus voulu s’ouvrir à l’été
Ce matin les sépales tous ensemble se sont resserrés
Ce matin la fleur a terni et tristement séché
Ce matin notre fleur semblant morte a pourtant travaillé
Ce matin quelle surprise, une nouvelle corolle s’est formée
Ce matin, incroyable, notre fleur de blanc s’est couronnée
Ce matin, avant de mourir, ses graines la fleur a maturé
Ce matin c’est le grand jour, le vent s’est enfin levé
Ce matin sont parties dans la brise les graines emparachutées
Ce matin tout le jardin a recueilli les volantes libérés
Ce matin chaque graine dans la terre s’est lovée
Ce matin c’est le printemps, de nouvelles pousses ont levé
Ce matin c’est l’été, le jardin s’est paré de jaune doré
Ce matin un bourdon, de fleurs en fleurs, est passé

Catherine

 

a) Pour casser la graine !

Au petit jour, égrainant mon chapelet, j’ajoutais à mes avés quelques prières pour que mes expériences botaniques me permettent de développer la production de ce petit jardin tant nécessaire à la communauté. Cet égrainement m’apaisait. J’espérais tant que ces prégraines se développent valablement. Je pourrai en enrichir la grainothèque et peut-être en proposer au grainetier.
Tiens donc, la graineterie est encore close et pourtant matériels d’égrainage : égrainoir pour égraineuse sont à l’extérieur. Ah, la mauvaise graine, il faudrait vraiment qu’il prenne de la graine le coco car la patronne va encore en faire une migraine.
Encore le temps de casser la graine. Qu’ai-je donc ce matin à grignoter : graines de courge, de tournesol, de sésame, un régal !

b) La semeuse de Larousse

Qu’il était bon le premier jour. Cette journée de septembre était tellement fabuleuse. La nature est encore si belle, préparant pourtant déjà sa prochaine renaissance au sortir de l’hiver à venir. Ce soleil d’été sur mes épaules, j’aurai finalement pu être bras nus. Quel plaisir de pouvoir détacher ma chevelure à l’abri des regards. Quel plaisir aussi que ce petit air - si légère brise - qui me rafraichissait se faufilant entre mes jambes mais qui ne suffisait pas à nuire à la rondeur des pissenlits. Aussi, j’ajoutais mon souffle régulièrement pour répandre ce qui permettrait de revivre une pareille journée l’année prochaine.
Au deuxième jour, je devais me tenir le plus immobile possible. Le régent du domaine m’avait aperçue et avait obtenu de mon père qu’il accepte quelques pièces pour que je lui serve de modèle.
Au troisième jour, je me retrouvais figée sur de la toile. Au quatrième, je découvris l’imprimerie et au cinquième davantage de mots que je n’en connaissais. Au sixième, j’entendis des sons encore inconnus on frappait de la monnaie. La lumière fut au septième au sortir de poches passant de mains en mains assouvissant transactions de toutes sortes ou sous la caresse de doigts à la recherche de précisions, de définitions.
Depuis, je découvre le monde !

2 - Le voyage d’une graine

Le processus créatif n’est-il pas parti sur une base un peu trop rapide ? Deux semaines n’auraient-elles pas été préférables plutôt que 7 jours seulement ?
Et si le serpent avait avalé la pomme.
Aurait-il incarné la mauvaise graine ? Aurait-il insufflé la beauté de la pomme, l’attirance de la pomme, ce piège de la pomme.
Et si le serpent avait avalé la pomme ?
Une fois, le fruit de la connaissance absorbé par le vilain, n’aurait-ce pas été l’avènement, sans précédent, d’une intelligence collective ? altruiste ?
Bien sûr, nous travaillons à davantage de partage, de fraternité, davantage d’égalité, davantage d’équité en somme.
Heureusement, les progrès de la génétique remédieront très prochainement à la différence, l’altérité. Tous identiques, donc tous d’accord pour une douce monotonie. Bienheureux les pauvres en esprit, plus besoin de discussions, de réflexions, ou pire de décisions.
Et le monde ira de soi, paisible, tranquille.
Retour au règne animal.
Dieu merci le serpent n’aime pas les pommes, il préfère les chapeaux !

Laurent

 

J’imagine cet égyptologue, face à sa découverte stupéfiante, une minuscule pyramide au milieu du désert.

Tiens, des graines ! Non ils n’auraient pas osé les momifier tout de même ! Disposées bizarrement, visiblement prêtes pour être plantées dans l’au-delà, et non pour être mangées…

Etrange, étrange, étrange, toute l’équipe est bouche bée, un ouvrier de fouille, lance :qu’est-ce qu’on risque d’en planter la moitié ? Pas de botaniste parmi nous. Le responsable égyptien des recherches répond : j’adore jardiner et vais m’en occuper….

Tout le monde se remit au travail, avec une grande excitation fébrile, poussera ? poussera pas ? de quoi rêver, rêver encore : quelle sera la plante des fois que…. ?

Et l’incroyable se produisit, un lotus sortait de ce petit pot, oui un lotus, fleur de longévité……..Mais, voyons un peu LÉGENDES OU RÉALITÉ….. ??????

Fête de la graine, c’est bien ; mais une pensé pour l’espèce WOODI, tous les individus connus étant des mâles, clonés sur le seul représentant sauvage connu découvert en 1895, en forme de palmier (genre encepharlatos ).

CHER WOODI EN TANT
QUE MÂLE SURTOUT PAS GAI
MERCI D’EXISTER

L’OUBLI DE WOODI
EN TANT QUE CLONE VOUS DIT
VIVANT QUAND MÊME !

REGARDEREZ-VOUS ?
LES PALMIERS SUR LES PLAGES
COMME MAINTENANT....

Pierre

 

Choisir une graine…lui dédier un poème;

Petite, petite
Minuscule
Ronde.
On la croit ronde

Noire
Toute noire
Un éclat de soleil
Elle brille

Discrète
Si discrète
Noire sur la terre noire
Elle s’y couche, métier de graine.

Il est temps, nigelle
De se réveiller.
Pointe tes pousses, écarte tes dentelles
Souffle le printemps, nigelle de Damas.

Voyage de la graine.

L’enfant mangeait son petit pain, rond et joufflu piqueté de graines noires. Elles craquaient sous ses dents, roulaient sur la langue, laissaient un goût inattendu et entamaient un autre voyage une fois avalées. Ceci est une autre histoire.
L’enfant sans question savait d’où venaient les petits yeux noirs de son pain. Chaque année, il en récoltait les graines et les ensachètait , petit tas par petit tas, dans une enveloppe banale qui sera classée dans une boîte en fer, un tant soit peu rouillée. Il y écrit en grandes lettres majuscule NIGELLE DE DAMAS. C’est le rituel annuel, celui d’égraineur grainetier.
« Ces graines récoltées, dit l’enfant, c’est pour mes goûters mais aussi à semer à l’automne ou en mars, quand tu veux pour les voir fleurir au printemps confirmé. A semer en gestes libres, à la fantaisie de l’espace. Plus tard, il faudra éclaircir les pousses dentelées qui se pressent hors de terre puis s’épanouiront des fleurs bleues ébouriffées de pétales et sépales entourés de filaments gardiens. »
Il racontait ses curieuses fleurs, assis en tailleur dans le chemin du jardin. Son public : trois escargots réveillés et deux autres encore cachés dans leur coquille, trop paresseux pour l’écoute. Les trois premiers étaient attentifs. L’enfant de son doigt rythmait son récit, les yeux cornes du public suivaient le mouvement. Ils en bavaient de plaisir, petits ruisseaux brillants qui séchaient très vite.
« Alors toi, tu veux connaître leurs couleurs, une fois fleuries. Elles sont bleues chez moi. Pas un bleu banal, elles commencent par un bleu soutenu qui se délave au fil des jours. Pour finir, par un bleu clair comme un matin à l’aube. Pas de rose, pas de blanc, ici, et je ne sais pas pourquoi. C’est comme cela. »
Le premier escargot satisfait de la réponse se mit à déguster une tendre feuille de pissenlit.
L’enfant se tourna vers le deuxième escargot :
« Et toi, tu souhaites savoir si elles sont solitaires. Je les crois très sociables ! Elles aiment être en groupe ! Quelquefois je les trouve même envahissantes. Un espace entre deux pierres, un creux entre deux bras du tubercule de l’anémone, une terre à l’abandon et hop, elles s’installent bien serrées. C’est le paradis pour elles. Tu vois, elles ne sont pas difficiles. Et puis, elles font un peu ce qu’elles veulent entre le vent qui les sème et ma main qui les lance à l’aventure…quelle fantaisie ! »
L’escargot rentra ses cornes, médita la réponse. Dans sa tête, il y avait beaucoup de copains qui venaient le retrouver dans sa coquille devenue bien vite trop étroite pour cette invitation surprise. Il en oubliait la feuille tendre de salade que lui tendait l’enfant.
Le dernier plus timide, n’osait pas poser sa question. L’enfant le cajole, lui propose le blanc d’une feuille de chou toute fraîche. L’encourage….C’est difficile…
« Dis, de la graine à la fleur, comment fait elle, la nigelle pour continuer sa vie ? »
« Oh, lui répond l’enfant, grimpe sur ta feuille de chou. Je t’emmène dans un endroit discret te raconter l’histoire d’une petite graine qui se voyait ronde mais qui en fait……. »
Il éclata de rire devant le regard ahuri du troisième lascar.
De toute façon, pour vous, c’est l’heure de la pause. Contentez-vous d’une poignée de graines noires de nigelle en apéritif, fermez les yeux et dégustez !

Dominique

 

Le Haricot Magique

Jacquou le Croquant
Avait dans sa poche
Un haricot sec et blanc.
Il y pensait tout le temps
De peur qu’il ne s’embroche
A travers son pantalon moche !
Il avait faim… mais c’est cloche
De le manger ; c’est si peu vraiment,
Il avait gros appétit, le manant !
Dans sa tête la graine de haricot blanc
Etait déjà en terre riche, Grand,
Multiplié, dix, vingt fois et cent !
Quand tout à coup méchamment
On le poussa de derrière par devant.

Le Haricot sauta dans le buisson ardent
Il crépita, bouillonna, et s’envola,
Sous la forme d’un cheval gris, aux ailes blanches
Qui ne voulait pas qu’on le mangea !
DFT

L’ Ancolie

Enfouie dans l’humus, cachée aux regards,
Patiente et forte tu traverses l’hiver et le gel
Attente mélancolique, repliée et endormie
L’ancolie enfin s’éveille,
Au premier regard d’un pâle soleil,
Ebouriffée, pétillante et joyeuse,
Tiges droites, fières
Econome de feuilles
Naissances de pétales, flamboyants
Calice discret, caché, abreuvé de rosée
Ou se désaltère le bourdon attiré.

« Tu as la beauté, la grâce de la fragilité. »

DFT

Danielle

 

Artère de lumière,
Sur une terre noire
Ruisselante et altière,
Tu laisses à entrevoir,
Ton trésor caché, épicé,
Dans le lit de ton sang.
Ta saveur arrachée
Parsèmera le savant.
Déchiquetée à petits feux
Sur la râpe créative,
Tes lambeaux courageux
Enchanteront nos âmes gustatives.
Poussière d'étoile perdu
Absorbée, engloutie,
Digérée sans retenue,
Par les sucs, déglutie.
Vendeuse de rêve,
Planète à toi seule,
Bateau de mille sèves,
Tu me rends aveugle.
Mes cellules t'engloutissent.
Le noyau de mes atomes,
Achèvent et finissent
D'assimiler tes arômes.
Délirant voyage,
Somptueux festin
Que tes noces sans nuage,
Dans l'antre de mes intestins.

A la Muscade....

La semeuse

Sa venue est rare et attendue.
Les champs, en jachère, s'offrent sans pudeur, chaque fois, assoiffés de ses petites graines.
Elle passe à chaque printemps. Comme une brise fraîche elle s'infiltre dans les moindres recoins poussiéreux. Elle en chasse l'ennui poisseux et dépose la question.
La semeuse de trouble, mine de rien, nous embarque dans son univers.
Son souffle léger disperse ses petites lucioles guerrières vers des terres arides. Ses petites ouvrières courageuses, pénètrent les sols avec ravissement et viennent piquer, tarauder, démanger le manteau argileux. Il craque enfin et de minuscules pousses apparaissent chargées d'un futur et possible épi, chargé de lumière.
Les nuages noirs de la fin de l'été peuvent arriver. Tout est prêt à recevoir leurs pluies primaires, assommantes et aveuglantes. Les orages et les tempêtes souffleront sans doute sur ces territoires engrossés par l'espérance et les détruiront en partie.
Elle reviendra. Elle revient toujours la semeuse, déposer au bord de nos maisons sa lumière, à portée de raison.

Isabelle