La Maison sans personnage

Maison sans personnage

Jour de pluie
Jour de brume
Flip!flap!flip!flap!

Sur la porte en bois lourd de châtaignier où ruissellent les gouttes, une grosse clé de château s'infiltre dans la serrure en fer forgé de la petite maison de pierres encastrée dans le village nid d’aigle. Grincement métallique, grésillement de l’eau. Dans l'obscurité humide, dans les émanations de l'air après l'orage, bouffées de fumée, de terre détrempée, de choses du passé oubliées....odeurs sauvages, odeurs de tanière. Relents de forêt, d'herbes froissées. La main à tâtons cherche l’interrupteur, empoigne un objet redondant en porcelaine blanche, baisse un petit cliquet dans un petit bruit discret et sourd. La lumière s'allume. Une ampoule au bout d'un fil au-dessus d'une table en désordre, deux bols, une cafetière alu, une boîte Petit Lu. Départ précipité. Urgence de la fuite. La poussière, elle, ...couvre, recouvre tout ce qui a été abandonné là.... objets inanimés avez-vous donc une âme ! Le temps mange la vie, la poussière étouffe ce qu'il reste. Avez-vous donc une âme ?

Flip ! Flap!

Parallèle au fil électrique noir, un tourbillon attrape-mouche, spirale collante avec des mouches figées pour l'éternité tient compagnie à l'ampoule. La solitude n'existe pas.
Le regard sur l'ampoule à un mètre environ au-dessus de la table suit le fil apparent qui court au plafond, puis sur le mur jusqu'à l'interrupteur qui s’affiche ostensiblement. Rêverie et contemplation de l’objet inattendu. Présence palpable.
Lumière->ampoule-> interrupteur. Simplicité du parcours. Va et vient irréprochable.
Sentiment de plénitude dans le dépouillement décoratif. Au-dessus de l'évier en pierre, des gouttes perlent aux murs contre la roche. La terre transpire imprégnée de vie souterraine. Une minuscule bulle d'eau semble ne pas vouloir se décrocher du robinet de bronze. 60% d'eau dans le corps humain. Humide dans l'humide. Bien- être aquatique. Le silence devient profond et la lumière un accessoire.

Flip!!!Flap!!!.....

Dans cet espace sombre et mouillé, quelque chose de mystérieux venu des profondeurs envahit le cœur avec la violence d'un torrent en crue.
Trombes d'eau sur le toit. La grotte de Robinson pour abri. Image du corps imprégné de lait caillé qui se faufile dans la matrice de la terre.
Sous le massif évier, un rideau à fleurs dominante rose cache le seau servant de poubelle. Poubelle vidée même dans la hâte... Le même rideau s'étend le long de la paillasse en terre cuite rouge au brillant altéré. Le tissu semble avoir échappé au temps. Paradoxe de l’usure. Le temps a ses favoris. Un tissu neuf donc sous une vieille paillasse patinée contre un mur écaillé et suintant.
Cliquetis de la pluie sur les petits carreaux de la seule et unique fenêtre qui dispense la lumière avec parcimonie .L'univers du flou se joue des lignes. Les gouttes limpides et transparentes glissent. Les étincelles d'eau illuminent le jour cendré. La beauté surgit de l'obscur.