La Maison
La porte de la chambre est fermée. La poignée est toujours froide, ronde dans la main qui l’enserre, douce au toucher : une poignée en porcelaine blanche avec des petites roses, peintes envahissent mes yeux, fermés eux aussi. L’image d’une petite fille, trop petite pour atteindre cette poignée arrive brutalement, ainsi que les cris de colère devant cette porte qui ne s’ouvre pas. Je garde les paupières closes et je tâte les rainures du bois, mes doigts accrochent sur les écailles de peinture. Un parfum un peu dénaturé flotte autour. Est-ce qu’il persiste dans la maison vide ? Ou bien le souvenir me le revoie brutalement ?
Je tourne la poignée en porcelaine, la serrure est bloquée : la porte est seulement poussée. Les paupières toujours baissées, j’entre dans la chambre des parents. Je sens. J’écoute. Le vide a un son de solitude et d’absence. Je crie….Ah ! Il inonde la pièce la pièce d’un bruit mat et cogne contre les murs. Le son de mon cri a soulevé et ventilé l’air de la chambre et le parfum de ma mère a envahi mes narines.
Mes doigts touchent, tâtent la surface tapissée des murs, le papier est gondolé, grumeleux. La pièce est humide. Mes pas sur le sol sont incertains, le carrelage est cassé, en partie évaporé. Je crois faire le tour des murs, mais je sens le vide, une goutte d’eau sonne le glas ; en tombant, elle crée une présence dans le silence. Enfin j’ouvre les yeux. Une petite clarté sombre filtre à travers les persiennes et les carreaux poussiéreux. L’espace est grand et lamentablement vide. Des morceaux de plâtre, tombés du plafond, gisent sur le sol, ou pendent encore comme des grosses chandelles retournées. A travers les lattes le ciel se fait tout petit. Des taches humides dessinent des arabesques.
Assise sur ce qui reste de la douche, je ferme à nouveau les yeux et j’écoute ; la goutte d’eau qui tombe, mesure avec régularité le temps qui a passé.