Maison territoire

Maison –territoire

Une maison de tissage et de liens, selon les moments et les jours… qu’a-t-elle à me susurrer ? De douce quiétude habitée, arrimée derrière la fenêtre délicatement givrée, je consens au solaire et à la lecture du vent.
Le yucca chahute pins et sapins, rythmant la fenêtre de motifs circulaires.
Et si dedans était en partage …
L’essentiel, ce sont, peut-être, les portes. Porte d’entrée, de sortie. Un monde de remous, de légèreté et de rumeurs assumées.
Va-t-on mettre une porte là, en déposer une ici, réduire celle- là ?
A cet endroit, j’aurai peur de me heurter. Mais là, aussi, j’aurai peur qu’elle heurte la Vie, qu’elle l’empêche d’entrer. Faire, installer, fixer… peut-être rien. Regarder, faire une découpe dans l’espace, faire un arrangement avec la Vie. Voir loin. Voir auprès de.
Découvrir le pré. Saisir l’herbe enchanteresse, arracher l’herbe diablesse.
Grand aplat de vert acide. Collerettes de pâquerettes.
Un souvenir de bal, de dentelles sur les épaules, de boutons vernis, ronds, dorés.
Une musique en valse tournoyante. Nous.
La maison, elle glisse sous les pieds, elle est tout en longueur, en longueur de temps. En langueur de dire.
La maison abasourdie, parfois pleine, en maternité, parfois pétioles de silences.
Chuchotements, tout s’y attend ! Tout s’y prend !
Tout s’y donne. Une respiration de pluie, de gouttes oblongues.
Toute cette lumière qui flirte avec ce grand territoire, vision de champs de houblon.
Mais aussi, le tout-petit, lieu ouvert à l’angle droit où l’ombre dévore la colonne montante au grain-grès de poussière, envol d’un gris -tourterelle.
La maison, la liberté. La liberté d’être. Un, une, plusieurs. La respiration d’une vie, le translucide d’un partage qui retient.
Le Grand Départ déplacé, un lieu où il est totalement permis d’être dans son entièreté.
Peut-être que cette teinte rose passé, du bas des murs, évoque la douceur, le duvet de la vacance.
En tout état de lieu, faire l’état. L’état de Soi, du Présent, du Futur. Un point. Un silence sinueux qui arrête votre marche. Une interrogation ? Elle s’accroche au plafond.
Drôles de lampe. Drôle d’ampoules. La forme en impose, elle n’éclaire pas mais écrase le sol où les pieds sont joints. Cette rangée d’ampoules, à l’horizontale située, soudain agace, dérange. Chaque lumière ne peut diffuser son grand jupon, chacune étouffe la danse de l’autre. Qui pense que la lumière est rectiligne ? La lumière s’étend, s’étale, se rétracte, s’avance, se retire. C’est une mer de curiosité, avec ses vagues, ses ressacs, où surfe l’ombre fertile du calme, du retrait, de la formation de la chrysalide de fin de journée. Se pencher en avant, entendre la réponse du parquet qui grince. En arrière. C’est soudain, gentiment, un balancement de l’enfance qui vous revient. Balançoire du Temps, me voici ma propre Mère. Les murs porteurs, quatre bras qui retiennent ensemble l’alcôve.
Chers murs, parois de limites qui ne donnent aucune limite à l’âme, tricoteuse de pensées. Petites choses matérielles passagères. Le passage, d’une porte à l’autre, qui attend. Curieusement, une serrure est en forme de dragon, quel voyage a amené cela ?
La neige glisse sur la vitre, chantonne la surprise de l’hiver. Le regard mi-clos joue du paisible avec l’habitante en état de rêverie.
Le souffle du repos s’étend en tous points de fuite et offre la reconnaissance de tous les territoires.